Le siège d'Uxellodunum d'après les textes antiques...
2 Les commentaires d'Hirtius : La Guerres des Gaules (VIII, 30 à 40)
Traduction de L.A. CONSTANS (20)
Préface d'Hirtius
J'ai dû céder à tes instances, Balbus(21), puisque mes refus quotidiens, au lieu d'être excusés sur la difficulté de la tâche, étaient interprétés comme la dérobade d'un paresseux, et je me suis engagé dans une entreprise pleine de périls : j'ai ajouté aux commentaires de la guerre des Gaules de notre cher César ce qui y manquait, et les ai reliés aux écrits suivants du même auteur ; de plus, j'ai terminé le dernier de ceux-ci, laissé inachevé depuis la guerre d'Alexandrie jusqu'à la fin non point de la guerre civile, dont nous ne voyons nullement le terme, mais de la vie de César. Puissent les lecteurs de ces commentaires savoir quelle violence je me suis faite pour les écrire ; j'espère échapper ainsi plus aisément au reproche de sotte présomption que j'encours en plaçant ma prose au milieu des œuvres de César. Car c'est un fait reconnu de tous: il n'est pas d'ouvrage, quelque soin qu'on y ait mis, qui ne le cède à la pureté de ces commentaires. Ils ont été publiés pour fournir des documents aux historiens sur des événements si considérables ; or, telle est la valeur que chacun leur attribue qu'ils semblent, au lieu d'avoir facilité la tâche des historiens, la leur avoir rendue impossible. Et cependant notre admiration passe encore celle des autres : car s'ils savent quelle est la perfection souveraine de l'ouvrage, nous savons, en outre, avec quelle facilité et quelle promptitude il l'a écrit. César n'avait pas seulement au plus haut degré le don du style et la pureté naturelle de l'expression, mais il avait aussi le talent d'expliquer ses desseins avec une clarté et une exactitude absolues. Pour moi, il ne m'a même pas été donné de prendre part à la guerre d'Alexandrie ni à la guerre d'Afrique ; sans doute, ces guerres nous sont, en partie, connues par les propos de César : mais c'est autre chose d'entendre un récit dont la nouveauté nous captive ou qui nous transporte d'admiration, autre chose de l'écouter pour en faire un rapport qui aura valeur de témoignage. Mais que fais-je ? tandis que je rassemble toutes les excuses possibles pour n'être pas comparé à César, je m'expose au reproche même de présomption que je veux éviter, en paraissant croire que semblable comparaison puisse venir à l'esprit de quelqu'un. Adieu(22) .
Texte en latin
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Traduction
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VIII, 30 - Qua ex fuga cum constaret Drappetem Senonem, qui, ut primum defecerat Gallia, collectis undique perditis hominibus, seruis ad libertatem uocatis, exulibus omnium ciuitatum ascitis, repentinis latrociniis inpedimenta et commeatus Romanorum interceperat, non amplius hominum duobus milibus ex fuga collectis prouinciam petere unaque consilium cum eo Lucterium Cadurcum cepisse, quem superiore commentario prima defectione Galliae facere in prouinciam uoluisse impetum cognitum est, Caninius legatus cum legionibus duabus ad eos persequendos contendit, ne detrimento aut timore prouinciae magna infamia perditorum hominum latrociniis caperetur. |
Caninius poursuit Drappès et Luctérios
VIII, 30 - Comme on savait qu'après cette déroute le Sénon Drappès, qui, dès le début du soulèvement de la Gaule, ayant rassemblé de toutes parts des gens sans aveu, appelé les esclaves à la liberté, fait venir à lui les bannis de toutes les cités, accueilli les voleurs, avait intercepté les convois de bagages et de ravitaillement des Romains, comme on savait que ce Drappès avait formé avec les restes de l'armée en fuite une troupe de deux mille hommes au plus et marchait sur la province, qu'il avait pour complice le Cadurque Lucterios qui, au début de la révolte gauloise, s'était proposé, comme on l'a vu dans le commentaire précédent, d'envahir la province, le légat Caninius se lança à leur poursuite avec deux légions, ne voulant pas que la province eût à souffrir ou que la peur s'emparât d'elle, et qu'ainsi nous fussions déshonorés par les brigandages d'une bande criminelle. |
VIII, 31 - C. Fabius cum reliquo exercitu in Carnutes ceterasque proficiscitur ciuitates, quarum eo proelio quod cum Dumnaco fecerat copias esse accisas sciebat. Non enim dubitabat quin recenti calamitate submissiores essent futurae, dato uero spatio ac tempore eodem instigante Dumnaco possent concitari. Qua in re summa felicitas celeritasque in recipiendis ciuitatibus Fabium consequitur. Nam Carnutes, qui saepe uexati numquam pacis fecerant mentionem, datis obsidibus ueniunt in deditionem, ceteraeque ciuitates positae in ultimis Galliae finibus, Oceano coniunctae, quae Aremoricae appellantur, auctoriate adductae Carnutum aduentu Fabii legionumque imperata sine mora faciunt. Dumnacus suis finibus expulsus errans latitansque solus extre mas Galliae regiones petere est coactus. |
Fabius soumet les Carnutes et les Armoricains
VIII, 31 - C. Fabius, avec le reste de l'armée, part chez les Carnutes et les autres peuples dont il savait que les forces avaient été très éprouvées dans le combat qu'il avait livré à Dumnacos. Il ne doutait pas, en effet, que la défaite qui venait de leur être infligée ne dût les rendre moins fiers, mais non plus que, s'il leur en laissait le temps, ils ne pussent, excités par ce même Dumnacos, relever la tête. En cette occurrence, Fabius eut la chance de pouvoir procéder, dans la soumission des cités, avec la plus heureuse promptitude. Les Carnutes, qui, bien que souvent éprouvés, n'avaient jamais parlé de paix, donnent des otages et se soumettent ; les autres cités, situées aux confins de la Gaule, touchant à l'Océan, et qu'on appelle Armoricaines, entraînées par l'exemple des Carnutes, remplissent sans délais, à l'approche de Fabius et de ses légions, les conditions imposées. Dumnacos, chassé de son pays, dut, errant et se cachant, aller chercher un refuge dans la partie la plus retirée de la Gaule. |
VIII, 32 - At Drappes unaque Lucterios, cum legiones Caniniumque adesse cognoscerent nec se sine certa pernicie persequente exercitu putarent prouinciae fines intrare posse nec iam libere uagandi latrociniorumque faciendorum facultatem haberent, in finibus consistunt Cadurcorum. Ibi cum Lucterios apud suos ciues quondam integris rebus multum potuisset semperque auctor nouorum consiliorum magnam apud barbaros auctoritatem haberet, oppidum Vxellodunum, quod in clientela fuerat eius, egregie natura loci munitum, occupat suis et Drappetis copiis oppidanosque sibi coniungit. |
Drappès et Luctérios à Uxellodunum
VIII, 32 - Mais Drappès, et avec lui Luctérios, sachant que Caninius et ses légions étaient tout proches et pensant que leur perte était certaine s’ils pénétraient sur le territoire de la province avec une armée à leurs trousses, n’ayant d’ailleurs plus la liberté de battre la campagne en commettant des brigandages, s’arrêtent dans le pays des Cadurques. Luctérios y avait joui autrefois, avant la défaite, d’une grande influence sur ses concitoyens, et maintenant même ses excitations à la révolte rencontraient auprès de ces Barbares un grand crédit : il occupe avec ses troupes et celles de Drappès la ville d’Uxellodunum, qui avait été dans sa clientèle ; c’était une place remarquablement défendue par la nature ; il en gagne à sa cause les habitants. |
VIII, 33 - Quo cum confestim C. Caninius uenisset animaduerteretque omnes oppidi partes praeruptissimis saxis esse munitas, quo defendente nullo tamen armatis ascendere esset difficile, magna autem inpedimenta oppidanorum uideret, quae si clandestina fuga subtrahere conarentur, effugere non modo equitatum, sed ne legiones quidem possent, tripertito cohortibus diuisis trina excelsissimo loco castra fecit ; a quibus paulatim, quantum copiae patiebantur, uallum in oppidi circuitum ducere instituit. |
Caninius investit la place
VIII, 33 - C. Caninius y vint tout aussitôt ; se rendant compte que de tous côtés la place était défendue par des rochers à pic, dont l’escalade, même en l’absence de tout défenseur, était difficile pour des hommes portant leurs armes, voyant, d’autre part, qu’il y avait dans la ville une grande quantité de bagages et que, si l’on essayait de fuir secrètement en les emportant, il n’était pas possible d’échapper non seulement à la cavalerie, mais aux légionnaires mêmes, il divisa ses cohortes en trois corps et les établit dans trois camps placés à grande altitude ; en partant de là, il entreprit de construire peu à peu, selon ce que permettaient ses effectifs, un retranchement qui faisait le tour de la ville. |
VIII, 34 - Quod cum animaduerterent oppidani miserrimaque Alesiae memoria solliciti similem casum obsessionis uererentur, maximeque ex omnibus Lucterios, qui fortunae illius periculum fecerat, moneret frumenti rationem esse habendam, contituunt omnium consensu parte ibi relicta copiarum ipsi cum expeditis ad inportandum frumentum proficisci. Eo consilo probato proxima nocte duobus milibus armatorum relictis reliquos ex oppido Drappes et Lucterios educunt. Hi paucos dies morati ex finibus Cardurcorum, qui partim re frumentaria subleuare eos cupiebant, partim prohibere quo minus sumerent non poterant, magnum numerum frumenti conparant, non numquam autem expeditionibus nocturnis castella nostrorum adoriuntur. Quam ob causam Caninius toto oppido munitiones circumdare moratur, ne aut opus effectum tueri non ossit aut plurimis in locis infirma disponat praesidia. |
Défaite de Luctérios puis de Drappès
VIII, 34 - A cette vue, ceux qui étaient dans la ville, tourmentés par le tragique souvenir d’Alésia, se mirent à craindre un siège du même genre ; Luctérios, qui avait vécu ces heures-là, était le premier à rappeler qu’il fallait se préoccuper d’avoir du blé ; les chefs décident donc, à l’unanimité, de laisser là une partie des troupes et de partir eux-mêmes, avec des soldats sans bagages, pour aller chercher du blé. Le plan est approuvé et, la nuit suivante, laissant deux mille soldats dans la place, Drappès et Luctérios emmènent les autres. Ils ne restent que quelques jours absents, et prennent une grande quantité de blé sur le territoire des Cadurques, dont une partie désirait les aider en les ravitaillant, et l’autre ne pouvait les empêcher de se pourvoir; ils font aussi, plus d’une fois, des expéditions nocturnes contre nos postes. Pour ce motif, Caninius ne se presse point d’entourer toute la place d’une ligne fortifiée : il craignait qu’une fois achevée il lui fût impossible d’en assurer la défense, ou que, s’il établissait un grand nombre de postes, ils n’eussent que de trop faibles effectifs. |
VIII, 35 - Magna copia frumenti conparata considunt Drappes et Lucterios non longius ab oppido x milibus, unde paulatim frumentum in oppidum supportarent. Ipsi inter se prouincias partiuntur : Drappes castris praesidio cum parte copiarum resistit, Lucterios agmen iumentorum ad oppidum ducit. Dispositis ibi praesidiis hora noctis circiter decima siluestribus angustisque itineribus frumentum inportare in oppidum instituit. Quorum strepitum uigiles castrorum cum sensissent exploratoresque missi quae gererentur renuntiassent, Caninius celeriter cum cohortibus armatis ex proximis castellis in frumentarios sub ipsam lucem impetum fecit. Ii repentino malo perterriti diffugiunt ad sua praesidia ; quae nostri ut uiderunt, acrius contra armatos incitati neminem ex eo numero uiuum capi patiuntur. Profugit inde cum paucis Lucterios nec se recipit in castra. |
VIII, 35 - Après avoir fait une ample provision de blé, Drappès et Luctérios s’établissent à un endroit qui n’était pas à plus de dix milles de la place, et d’où ils se proposaient d’y faire passer le blé peu à peu. Ils se répartissent la tâche : Drappès reste au camp, pour en assurer la garde, avec une partie des troupes, Luctérios conduit le convoi vers la ville. Arrivé aux abords de la place, il dispose des postes de protection et, vers la dixième heure de la nuit, entreprend d’introduire le blé en prenant à travers bois par d’étroits chemins. Mais les veilleurs du camp entendent le bruit de cette troupe en marche, on envoie des éclaireurs qui rapportent ce qui se passe, et Caninius, promptement, avec les cohortes qui étaient sous les armes dans les postes voisins, charge les pourvoyeurs aux premières lueurs du jour. Ceux-ci, surpris, prennent peur et s’enfuient de tous côtés vers les troupes de protection : dès que les nôtres aperçoivent ces derniers, la vue d’hommes en armes accroît encore leur ardeur, et ils ne font pas un seul prisonnier. Luctérios réussit à s’enfuir avec une poignée d’hommes, mais il ne rentre pas au camp.
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VIII, 36 - Re bene gesta Caninius ex captiuis comperit partem copiarum cum Drappete esse in castris a milibus non amplius XII. Qua re ex compluribus cognita, cum intellegeret fugato duce altero perterritos reliquos facile opprimi posse, magnae felicitatis esse arbitrabatur neminem ex caede refugisse in castra, qui de accepta calamitate nuntium Drappeti perferret, sed in experiundo cum periculum nullum uideret, equitatum omnem Germanosque pedites, summae uelocitatis homines, ad castra hostium praemittit ; ipse legionem unam in trina castra distribuit, alteram secum expeditam ducit. Cum propius hostes accessisset, ab exploratoribus quos praemiserat cognoscit castra eorum, ut barbarorum fere consuetudo est, relictis locis superioribus ad ripas esse fluminis demissa, at Germanos equitesque inprudentibus omnibus de improuiso aduolasse proeliumque commisisse. Qua re cognita legionem armatam instructamque adducit. Ita repente omnibus ex partibus signo dato loca superiora capiuntur. Quod ubi accidit, Germani equitesque signis legionis uisis uehementissime proeliantur. Confestim cohortes undique impetum faciunt omnibusque aut interfectis aut captis magna praeda potiuntur. Capitur ipse eo proelio Drappes. |
VIII, 36 - Après cette heureuse opération, Caninius apprend par des prisonniers qu’une partie des troupes est restée avec Drappès dans un camp qui n’est pas à plus de douze mille. S’étant assuré du fait par un grand nombre de témoignages, il voyait bien, que, puisque l’un des deux chefs avait été mis en fuite, il serait facile de surprendre et d’écraser ceux qui restaient; mais il n’ignorait pas non plus que ce serait une singulière chance si aucun survivant n’était rentré au camp et n’avait apporté à Drappès la nouvelle du désastre ; néanmoins, comme il ne voyait aucun risque à tenter la chance, il envoie en avant vers le camp ennemi toute la cavalerie et les fantassins Germains, qui étaient d’une agilité extrême ; lui-même, après avoir réparti une légion dans les trois camps, amène l’autre en tenue de combat. Arrivé à peu de distance des ennemis, les éclaireurs dont il s’était fait précéder lui apprennent que, selon l’usage ordinaire des Barbares, ils ont laissé les hauteurs pour établir leur camp sur les bords de la rivière ; les Germains et les cavaliers n’en sont pas moins tombés sur eux à l’improviste, et ont engagé le combat. Fort de ces renseignements, il y mène ses légionnaires, les armes à la main et rangés pour la bataille. Ceux-ci, à un signal donné, surgissant de toutes parts, occupent les hauteurs. Là-dessus, les Germains et les cavaliers, à la vue des enseignes de la légion, redoublent d’ardeur, Sans désemparer, les cohortes, de tous côtés, se précipitent : tous les ennemis sont tués ou pris, et l’on fait un grand butin. Drappès même est fait prisonnier au cours de l’action.
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VIII, 37 - Caninius felicissime re gesta sine ullo paene militis uulnere ad obsidendos oppidanos reuertitur externoque hoste deleto, cuius timore antea diuidere praesidia et munitione oppidanos circumdare prohibitus erat, opera undique imperat administrari. Venit eodem cum suis copiis postero die C. Fabius partemque oppidi sumit ab obsidendum.
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VIII, 37 - Caninius, après cette affaire si heureusement menée, sans qu’il eût presque aucun blessé, retourne au siège d’Uxellodunum et débarrassé maintenant de l’ennemi extérieur, dont la crainte l’avait jusque-là empêché de disperser ses forces dans des postes et d’investir complètement la place, il ordonne qu’on travaille partout à la fortification. C. Fabius arrive le lendemain avec ses troupes, et se charge d’un secteur d’investissement.
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VIII, 38 - Caesar interim M. Antonium quaestorem cum cohortibus XV in Bellouacis relinquit, ne qua rursus nouorum consiliorum capiendorum Belgis facultas daretur. Ipse reliquas ciuitates adit, obsides plures imperat, timentes omnium animos consolatione sanat. Cum in Carnutes uenisset, quorum in ciuitate superiore commentario Caesar exposuit initium belli esse ortum, quod praecipue eos propter conscientiam facti timere animaduertebat, quo celerius ciuitatem timore liberaret, principem sceleris illius et concitatorem belli, Gutuatrum, ad supplicium deposcit. Qui etsi ne ciuibus quidem suis se committebat, tamen celeriter omnium cura quaesitus in castra perducitur. Cogitur in eius supplicium Caesar contra suam naturam concursu maximo militum qui ei omnia pericula et detrimenta belli (a Gutruato) accepta referebant, adeo ut uerberibus exanimatum corpus securi feriretur. |
César chez les Carnutes. Supplice de Gutuater
VIII, 38 - Cependant César laisse son questeur M. Antonius avec quinze cohortes chez les Bellovaques, pour que les Belges ne puissent pas une fois encore former des projets de révolte. Il va lui-même chez les autres peuples, se fait livrer de nouveaux otages, ramène le calme dans les esprits qui tous étaient en proie à la peur. Arrivé chez les Carnutes, dont César a raconté dans le précédent commentaire comment la guerre avait pris naissance dans leur cité, voyant que leurs alarmes étaient particulièrement vives, parce qu’ils avaient conscience de la gravité de leur faute, afin d’en libérer plus vite l’ensemble de la population, il demande qu’on lui livre, pour le châtier, Gutuater, principal coupable et auteur responsable de la guerre. Bien que le personnage dérobât le secret de son existence à ses concitoyens eux-mêmes, néanmoins, chacun s’appliquant à le rechercher, on l’amène promptement au camp. César, malgré sa naturelle clémence, est contraint de le livrer au supplice par les soldats accourus en foule : ils mettaient à son compte tous les dangers courus, tous les maux soufferts au cours de la guerre, et il fallut qu’il fût d’abord frappé de verges jusqu’à perdre connaissance, avant que la hache l’achevât. |
VIII, 39 - Ibi crebris litteris Caninii fit certior quae de Drappete et Lucterio gesta essent quoque in consilio permanerent oppidani. Quorum etsi paucitatem contemnebat, tamen pertinaciam magna poena esse adficiendam iudicabat, ne uniuersa Gallia non sibi uires defuisse ad resistendum Romanis, sed constantiam putaret, neue hoc exemplo ceterae ciuitates locorum oportunitate fretae se uindicarent in libertatem, cum omnibus Gallis notum esse sciret reliquam esse unam aestatem suae prouinciae, quam si sustinere potuissent, nullum ultra periculum uererentur. Itaque Q. Calenum legatum cum legionibus duabus reliquit, qui iustis itineribus subsequeretur ; ipse cum omni equitatu quam potest celerrime ad Caninium contendit. |
César à Uxellodunum
VIII, 39 - Il était chez les Carnutes quand il reçoit coup sur coup plusieurs lettres de Caninius l’informant de ce qui avait été fait concernant Drappès et Luctérios, et de la résistance à laquelle s’obstinaient les habitants d’Uxellodunum. Bien que leur petit nombre lui parût méprisable, il estimait cependant qu’il fallait châtier sévèrement leur opiniâtreté, afin que l’ensemble des Gaulois n’en vînt pas à s’imaginer que ce qui leur avait manqué pour tenir tête aux Romains, ce n’était pas la force, mais la constance, et pour éviter que, se réglant sur cet exemple, les autres cités ne cherchassent à se rendre libres en profitant de positions avantageuses : car toute la Gaule, il ne l’ignorait pas, savait qu’il ne lui restait plus qu’un été à passer dans sa province, et s’ils pouvaient tenir pendant ce temps là, ils n’auraient ensuite plus rien à craindre. Il laissa donc son légat Q. Calénus, à la tête de deux légions, avec ordre de le suivre à étapes normales ; quant à lui, avec toute la cavalerie, il va rejoindre Caninius à marches forcées. |
VIII, 40 - Cum contra expectationem omnium (Caesar) Vxellodunum uenisset oppidumque operibus clausum animaduerteret neque ab oppugnatione recedi uideret ulla condicione posse, magna autem copia frumenti abundare oppidanos ex perfugis cognosset, aqua prohibere hostem temptare coepit. Flumen infimam uallem diuidebat, quae totum paene montem cingebat, in quo positum erat (praeruptum undique oppidum) Vxellodunum. Hoc auertere loci natura prohibebat ; in infimis enim sic radicibus montis ferebatur, ut nullam in partem depressis fossis deriuari posset. Erat autem oppidanis difficilis et praeruptus eo descensus, ut prohibentibus nostris sine uulneribus ac periculo uitae neque adire flumen neque arduo se recipere possent ascensu. Qua difficultate eorum cognita Caesar sagittariis funditoribusque dispositis, tormentis etiam quibusdam locis contra facillimos descensus conlocatis, aqua fluminis prohibebat oppidanos. |
Il prive d’eau les Assiégés
VIII, 40 - Son arrivée à Uxellodunum surprit tout le monde ; quand il vit que les travaux de fortification entouraient complètement la place, il jugea qu’à aucun prix on ne pouvait lever le siège ; et comme des transfuges lui apprirent que les assiégés avaient d’abondantes provisions de blé, il voulut essayer de les priver d’eau. Une rivière coulait au milieu d’une vallée profonde qui entourait presque complètement la montagne sur laquelle était juché Uxellodunum. Détourner la rivière, le terrain ne s’y prêtait pas : elle coulait, en effet, au pied de la montagne dans la partie la plus basse, si bien qu’en aucun endroit on ne pouvait creuser des fossés de dérivation. Mais les assiégés n’y avaient accès que par une descente difficile et abrupte ; pour peu que les nôtres en défendissent l’abord, ils ne pouvaient ni approcher de la rivière, ni remonter, pour rentrer, la pente raide, sans s’exposer aux coups et risquer la mort. S’étant rendu compte de ces difficultés que rencontrait l’ennemi, César posta des archers et des frondeurs, plaça même des machines sur certains points en face des pentes les plus aisées, et ainsi il empêchait les assiégés d’aller puiser l’eau de la rivière. |
VIII, 41 - Quorum omnis postea multitudo aquatum unum in locum conueniebat sub ipsius oppidi murum ubi magnus fons aquae prorumpebat ab ea parte quae fere pedum trecentorum interuallo fluminis circuitu uacabat. Hoc fonte prohiberi posse oppidanos cum optarent reliqui, Caesar unus uideret, e regione eius uineas agere aduersus montem et aggerem instruere coepit magno cum labore et continua dimicatione. Oppidani enim loco superiore decurrunt et eminus sine periculo proeliantur multosque pertinaciter succedentes uulnerant ; non deterrentur tamen milites nostri uineas proferre et labore atque operibus locorum uincere difficultates. Eodem tempore cuniculos tectos ad uenas agunt et caput fontis ; quod genus operis sine ullo periculo, sine suspicione hostium facere licebat. Extruitur agger in altitudinem perdum LX, conlocatur in eo turris decem tabulatorum, non quidem quae moenibus adaequaret (id enim nullis operibus effici poterat), sed quae superare fontis fastigium posset. Ex ea cum tela tormentis iacerentur ad fontis aditum, nec sine periculo possent aquari oppidani, non tantum pecora atque iumenta, sed etiam magna hostium multitudo siti consumebatur.
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VIII, 41 - Alors ils se mirent à venir tous chercher de l’eau en un seul endroit, au pied même du mur de la ville, où jaillissait une source abondante, du côté que laissait libre, sur une longueur d’environ trois cent pieds, le circuit de la rivière. Chacun souhaitait qu’il fût possible d’interdire aux assiégés l’accès de cette source, César seul en voyait le moyen : il entreprit de faire, face à la source, pousser des mantelets le long de la pente et construire un terrassement au prix d’un dur travail et de continuelles escarmouches. Les assiégés, en effet, descendant au pas de course de leur position qui dominait la nôtre, combattent de loin sans avoir rien à craindre et blessent un grand nombre de nos hommes qui s’obstinent à avancer ; pourtant, cela n’empêche pas nos soldats de faire progresser les mantelets et, par un travail pénible, mais efficace, de vaincre les difficultés du terrain. En même temps, ils creusent des conduits souterrains dans la direction des filets d’eau et de la source où ceux-ci aboutissaient ; ce genre de travail pouvait être accompli sans aucun danger et sans que l’ennemi le soupçonnât. On construit un terrassement de soixante pieds de haut, on y installe une tour de dix étages, qui sans doute n’atteignait pas la hauteur des murs (il n’était pas d’ouvrage qui permit d’obtenir ce résultat), mais qui, du moins, dominait l’endroit où naissait la source. Du haut de cette tour, des machines lançaient des projectiles sur le point par où on l’abordait, et les assiégés ne pouvaient venir chercher de l’eau sans péril : si bien que non seulement le bétail et les bêtes de somme, mais encore la nombreuse population de la ville souffraient de la soif.
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VIII, 42 - Quo malo perterriti oppidani cupas seuo, pice, scandulis complent ; eas ardentes in opera prouoluunt, eodemque tempore acerrime proeliantur, ut ab incendio restinguendo dimicationis periculo deterreant Romanos. Magna repente in ipsis operibus flamma exstitit. Quaecumque enim per locum praecipitem missa erant, ea uineis et aggere suppressa conprehendebant id ipsum quod morabatur. Milites contra nostri quamquam periculoso genere proelii locoque iniquo premebantur, tamen omnia fortissimo sustinebant animo. Res enim gerebatur et excelso loco et in conspectu exercitus nostri magnusque utrimque clamor oriebatur. Itaque quisque prout erat maxime insignis, quo notior testatiorque uirtus esset eius, telis hostium flammaeque se offerebat. |
Réddition de la ville
VIII, 42 - Une aussi grave menace alarme les assiégés, qui, remplissant des tonneaux avec du suif, de la poix et des minces lattes de bois, les font rouler en flammes sur nos ouvrages. Dans le même temps, ils engagent un combat des plus vifs, afin que les Romains, occupés à une lutte dangereuse, ne puissent songer à éteindre le feu. Un violent incendie éclate bientôt au milieu de nos ouvrages. En effet, tout ce qui avait été lancé sur la pente, étant arrêté par les mantelets et par la terrasse, mettait le feu à ces obstacles même. Cependant nos soldats, malgré les difficultés que leur créaient un genre de combat si périlleux et le désavantage de la position, faisaient face à tout avec le plus grand courage. L’action, en effet, se déroulait sur une hauteur, à la vue de notre armée, et des deux côtés on poussait de grands cris. Aussi chacun s’exposait-il aux traits des ennemis et aux flammes avec d’autant plus d’audace qu’il avait plus de réputation, voyant là un moyen que sa valeur fût mieux connue et mieux attestée. |
VIII, 43 - Caesar cum conplures suos uulnerari uideret, ex omnibus oppidi partibus cohortes montem ascendere et simulatione moenium occupandorum clamorem undique iubet tollere. Quo facto perterriti oppidani, cum quid ageretur in locis reliquis essent suspensi, reuocant ab inpugnandis operibus armatos murisque disponunt. Ita nostri fine proelii facto celeriter opera flamma conprehensa partim restinguunt, partim interscindunt. Cum pertinaciter resisterent oppidani, magna etiam parte amissa siti suorum in sententia permanerent, ad postremum cuniculis uenae fontis intercisae sunt atque auersae. Quo facto repente perennis exaruit fons tantamque attulit oppidanis salutis desperationem, ut id non hominum consilio, sed deorum uoluntate factum putarent. Itaque se necessitate coacti tradiderunt.
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VIII, 43 - César, devant le grand nombre des blessés, ordonne aux cohortes de monter de tous les côtés à l’assaut de la montagne et de pousser partout des clameurs pour faire croire qu’elles sont en train d’occuper les remparts. Ainsi fait-on, et les assiégés, fort alarmés, car ils ne savaient que supposer sur ce qui se passait ailleurs, rappellent les soldats qui assaillaient nos ouvrages et les disposent sur la muraille. Ainsi le combat prend fin et nos hommes ont vite fait ou d’éteindre l’incendie ou de faire la part du feu. La résistance des assiégés se prolongeait, opiniâtre, et bien qu’un grand nombre d’entre eux fussent morts de soif, ils ne cédaient pas : à la fin, les ruisselets qui alimentaient la source furent coupés par nos canaux souterrains et détournés de leur cours. Alors la source, qui ne tarissait jamais, fut brusquement à sec, et les assiégés se sentirent du coup si irrémédiablement perdus qu’ils virent là l’effet non de l’industrie humaine, mais de la volonté divine. Aussi, cédant à la nécessité, ils se rendirent.
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VIII, 44 - Caesar, cum suam lenitatem cognitam omnibus sciret neque uereretur ne quid crudelitate naturae uideretur asperius fecisse, neque exitum consiliorum suorum animaduerteret, si tali ratione diuersis in locis plures consilia inissent, exemplo supplicii deterrendos reliquos existimauit. Itaque omnibus qui arma tulerant manus praecidit uitamque concessit, quo testatior esset poena inproborum. Drappes, quem captum esse a Caninio docui, siue indignitate et dolore uinculorum siue timore grauioris supplicii paucis diebus cibo se abstinuit atque ita interiit. Eodem tempore Lucterios, quem profugisse ex proelio scripsi, cum in potestatem uenisset Epasnacti Aruerni (crebro enim mutandis locis multorum fidei se committebat, quod nusquam diutius sine periculo commoraturus uidebatur, cum sibi conscius esset quam inimicum deberet Caesarem habere), hunc Epasnactus Aruernus, amicissimus populi romani, sine dubitatione ulla uinctum ad Caesarem deduxit. |
Terrible châtiment des assiégés. Sort de Drappès et de Lucterios
VIII, 44 - César savait que sa bonté était connue de tous et il n’avait pas à craindre qu’on expliquât par la cruauté de son caractère un acte de rigueur ; comme, d’autre part, il ne voyait pas l’achèvement de ses desseins, si d’autres, sur divers points de la Gaule, se lançaient dans de semblables entreprises, il estima qu’il fallait les en détourner par un châtiment exemplaire. En conséquence, il fit couper les mains à tous ceux qui avaient porté les armes et leur laissa la vie sauve, pour qu’on sût mieux comment il punissait les rebelles. Drappès, qui, je l’ai dit, avait été fait prisonnier par Caninius, soit qu'il ne pût supporter l'humiliation d’être dans les fers, soit qu’il redoutât les tourments d’un cruel supplice, s’abstint pendant quelques jours de nourriture et mourut de faim. Dans le même temps Luctérios, dont j’ai rapporté qu’il avait pu s’enfuir de la bataille, était venu se mettre entre les mains de l’Arverne Epasnactos : il changeait, en effet, souvent de résidence, et ne se confiait pas longtemps au même hôte, car, sachant combien César devait le haïr, il estimait dangereux tout séjour de quelque durée : l’Arverne Epasnactos, qui était un grand ami du peuple romain, sans aucune hésitation le fit charger de chaînes et l’amena à César. |
Transmission du texte de base, valeur du texte de Hirtius
Les manuscrits (mss.) qui ont servi à établir le texte des différentes éditions des Commentaires de la Guerre des Gaules sont relativement nombreux. Oudendorp, dans sa remarquable édition critique de 1740 (Leyde et Rotterdam) en cite une trentaine. On les distingue par des noms tirés soit de ceux de leurs propriétaires ou de leurs commentateurs, soit de leur provenance.
Le huitième livre des Commentaires a été accolé depuis l'Antiquité au reste de la Guerre des Gaules. Les plus anciens manuscrits l'incluent. En effet le réviseur Julius Celsus Constantinus, qui a vécu postérieurement au premier quart du Ve siècle, a signé par une souscription à la fin de chaque livre de la Guerre des Gaules le travail qu'il a effectué, et il a signifié à la fin du livre VIII que son travail s'est arrêté là (Julius Celsus Contantinus ligi tantum). Au Ve siècle, le livre VIII était donc à la place où nous le rencontrons aujourd'hui.
Le Moyen Age attachait une grande importance aux Commentaires qui ne paraît s’être jamais démenti(23). Le rôle historique prestigieux de son auteur, la valeur littéraire et le syle « classique » entre tous, l’importance du sujet pour l’histoire romaine et l’histoire des origines de la France, expliquent le nombre considérable de manuscrits qu'il nous a légués : 33 à la Bibliothèque Vaticane, 25 à la Bibliothèque Nationale, 17 à Florence (Bibliothèques Laurentienne et Riccardienne), d'autres dans la plupart des fonds latins, notamment à Rome et beaucoup d'autres ignorés jusqu'ici, dont un groupe de spécialistes de la Fondation Vitruve travaille à faire connaître l'existence.
Au XIXe siècle, des philologues allemands, Nipperdey entre autres, reprirent l’étude comparée des manuscrits des Commentaires et essayèrent de les grouper d’après les analogies et les divergences qu’ils présentent dans leur texte. Dans son édition des œuvres de César (Leipzig, 1847), il crut pouvoir annoncer que tous les mss., actuellement connus des Commentaires se classent en deux familles ayant pour origine deux ancêtres distincts, issus eux-mêmes de l’archétype original latin. D’après Nipperdey, l’inventeur de ce classement, ce serait les mss. (α) qui contiendraient le vrai texte original de César ; les autres (β) contiendrait des interpolations dues à deux savants grammairiens : Celsus et Lupicinus.
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Une souscription à la fin du livre II porte « Flavius Licerius Firminus Lupicinus legi », elle appartient à la classe (α). D’après Kübler (Leipzig, 1893 et 1911) les noms de Flavius Licerius Firminus Lupicinus ressemblent à ceux d’un fils d’Euprepia, sœur de l’auteur latin Ennodius, qui fut évêque de Pavie de 473 à 521 et joua à cette époque un rôle politique et religieux important. Donc la classe (α) était déjà constituée dans la première moitié du VIe siècle(24).
L.-A. Constans(25) a étudié une quarantaine de mss., parmi les moins exploités. Le plus ancien est du IXe siècle. Beaucoup ont été copiés et amalgamés au XIVe et XVe siècle. Deux grandes classes sont actuellement reconnues, désignées par les lettres grecques α (alpha) et β (béta), entre lesquelles on a relevé plus de 1500 différences : c'est dire que le travail d'édition, et par conséquent, éventuellement, de traduction, n’est toujours pas terminé. C'est la classe α qui est la plus nombreuse et fournit les manuscrits les plus anciens (IXe).
L.-A. Constans représente l'évolution du texte de la Guerre des Gaules selon le schéma suivant : à partir des documents α et β, X est archétype. Ce dernier serait tiré lui-même d'un archétype plus ancien ayant donné naissance à deux traditions différentes y' et y'', dont X et la série α ignorait tout enseignement de y''. Par contre, la série β tiendrait compte des deux traditions.
L.-A. Constans représente l'évolution du texte de la Guerre des Gaules selon le schéma suivant : à partir des documents α et β, X est archétype. Ce dernier serait tiré lui-même d'un archétype plus ancien ayant donné naissance à deux traditions différentes y' et y'', dont X et la série α ignorait tout enseignement de y''. Par contre, la série β tiendrait compte des deux traditions.
Liste des manuscrits qui ont servi à L.-A. Constans pour l'établissement du texte(26)
Il y en a sept de la classe α et quatre de la classe β :
Classe α :
lère famille :
A = Bongarsianus, Amsterdam (IXe ou Xe siècles)
M = Moysiacensis, Paris, Bibl. Nat. lat. 5056 (XIIe siècle)
2ème famille :
B = Parisinus, Paris, Bibl. Nat. Iat. 5763 (IXe ou Xe siècles)
R = Romanus, Rome, Bibl. Vat. 3864 (IXe siècle)
S = Ashburnamianus, Florence, Bibl. Laur. Ashbur. R.33 (Xe siècle)
L = Louaniensis, Londres, Brit. Mus. Add. Mss. 10084 (XIe siècle)
N = Nespolitanus, Naples, Bibl. Nat. IV, c.11 (XIIe siècle)(27) .
Classe β :
lère famille :
T = Thuaneus, Paris, Bibl. Nat. Iat. 5764 (XIe siècle)
F = Vindobonensis, Vienne, 95 (XIIe siècle)
2ème famille :
U = Ursinianus, Rome, Bibl. Vat. 3324 (XIe siècle)
L = Riccardianus, Florence, Bibl. Laur. Riccard. 541 (XIe ou XIIesiècles).
Michel Rambaud(28) qui a tenu compte des résultats acquis sur la question des classes de documents par L.-A. Constans, conclut de cette façon : " on les (manuscrits) répartit en deux classes.... Progressivement on en est venu à considérer la deuxième classe comme aussi importante que la première. O. Seel estime même que parfois elles se complètent et l'évolution de la critique porte l'éditeur contemporain à un certain éclectisme."
Le texte du huitième livre n'a été ni plus ni moins maltraité que le reste des Commentaires. On y trouve le même genre de variantes. Ainsi, pour le passage sur Uxellodunum, on ne repère, comme variantes importantes, que le nom de la place forte, le chiffre indiquant la hauteur de la plate-forme romaine et la direction des souterrains ad uineas pour ad uenas. La valeur d'ensemble du texte n'en est pas affectée. On ne peut donc la mettre en cause.
Remarques sur Luctérios et ses descendants
Ce que nous savons de Luctérios donne à penser qu’il était un ami de Vercingétorix et un homme important de la Gaule, il faisait vraisemblablement parti d’une grande famille de la noblesse Cadurque. Il avait une grande influence sur ses consitoyens et disposait de sa propre clientèle : la ville d’Uxellodunum, qui avait été dans sa clientèle (B.G. : VIII, 32). D’ailleurs, les monnaies, frappées à son effigie, confirment dont rôle de chef de civitas, bien que les Cadurques aient été, de longue date, clients des Arvernes " sub imperio "(B.G. : VII, 75). Les Cadurques sont parmi les premiers à repondre à l’appel de Vercingétorix avec les Sémons, les Paisii, les Pictons, Les Turons, les Aulerques et les Lémovices. Le nom de Luctérios est mentionné par César au début de la rebellion. Il le décrit comme un homme d’une extême audace. Vercingétorix l’envoi chez les Rutènes, sur qui il devait avoir une certaine influence : « Luctérios le Cadurque qui avait été envoyé chez les Rutènes, les gagne aux Arvernes. Il pousse chez les Nitiobriges de l’Agenais et les chez Gabales, reçois de chaque peuple des otages, et, ayant réuni une forte troupe, entreprend d’envahir la Province, en direction de Narbonne. à cette nouvelle, César qui était en Italie pensa qu’il devait, de préférence à tout autre plan, partir pour Narbonne » - (B.G. VII, 7) - ; « César arrête l’avance de Luctérios et l’oblige même à battre retraite (B.G. VII, 8) ». Nous retrouvons Luctérios bien qu’il ne soit pas nommé, à l’Assemblé générale de Bibracte au moment où, après son succés de Gergovie, Vercingétorix décide d’empêcher la fuite de César en Italie et distribue des rôles. « Il envoie les Rutènes et les Cadurques ravager le pays des Volsques Arécomiques » - (B.G. : VII, 64) -. Luctérios fonce à nouveau sur la province. L’appel de Vercingétorix assiégé par César à Alésia va changer les plans établis à Bibracte. Au titre de l’armée de secours, trente-cinq mille combattants sont réclamés aux Arvernes, aux-quels on joint tous leurs peuples « client », dont les Cadurques (B.G. : VII, 75). Il est très vraisemblable que Luctérios se trouvait à Alésia, car il en a gardé un douloureux souvenir qu’il s’est rappelé à Uxellodunum (B.G. : VIII, 34) : « A cette vue, ceux qui étaient dans la ville, tourmentés par le tragique souvenir d’Alésia, se mirent à craindre un siège du même genre ; Luctérios, qui avait vécu ces heures-là, était le premier à rappeler qu’il fallait se préoccuper d’avoir du blé ». |
Le 26 août 1843 le conseil général du Lot décida de commander à un sculpteur parisien, Moknecht, huit bustes représentant les hommes célèbres natifs du Lot. Le premier de la liste, chronologie oblige, Lucterius, fut livré l’année suivante. Un marbrier, de la cité des Cadourques, défendit Uxellodunum contre César en l’an 51 avant J.-C. Sage effigie du chef gaulois, cheveux mi-longs, régulièrement disposés, moustache également bien peignée, torque autour du cou. La cuirasse et le manteau sur l’épaule droite donnent une noblesse toute romaine au héros ! On est loin du Gaulois hirsute, barbu et casqué, en faveur trente ans plus tard. |
Si après Alésia César s’assure la fidélité des Arvernes en leur rendant les prisonniers et en demandant des otages, et si Luctérios est toujours client des Arvernes, comment peut-il continuer sa révolte en -51 ? Luctérios est d’ailleurs le seul chef gaulois, pendant les huit années d’hostilité, qui ne se sera pas borné aux campagnes de la Gaule, mais aura envahi, à plusieurs reprises, le territoire romain.
La pierre de Pern
Une pierre, soigneusement taillée, a été découverte au XVIIe siècle dans l'église de Pern (14 km de Cahors). Elle a été étudiée par l'abbé Raymond de Fouilhiac(30) qui la décrit comme ainsi :
« L'empereur Auguste ayant été mis au rang des dieux, selon la coutume des Romains, on bâtit à Lyon un temple célèbre en l'honneur de cette nouvelle divinité, à la jonction du Rhône et de la Saône. Toutes les villes célèbres se faisaient gloire d'avoir un prêtre de leur nation au service de ce temple. La ville de Cahors nomma le sien appelé Lucterus, de la famille sans doute de celui qui avait résisté à César ; c'est ce qu'on trouva en l'année 1663, dans l'église de Pern, où l'on lit cette inscription sur la pierre de marbre qui sert de marchepied à l'autel. Elle est en beau caractère romain : Marco Lucterio, Lucterii Senciani filio Leoni, onnibus honoribus in Patia functo, sacerdoti arae Augusti inter confluenta Araris et Rhodani, Civitas Cadurcorum ob merita eius publice posuit. »
Oublié par la suite, fut redécouverte et relevée à nouveau par Champollion-Figeac(31) en compagnie de Lacoste (proviseur au lycée de Cahors), le 8 octobre 1816. Ce qui apparaissait alors, c'était une inscription chrétienne pour le tombeau d'un certain Grégoire, espagnol exilé dans le Quercy. Champollion-Figeac fit retourner la pierre et l'inscription de Lucterius se révéla être gravée de l'autre côté.
Champollion-Figeac alerta le préfet du Lot qui fit installer le marbre sur un piédestal au bas du grand escalier de la préfecture de Cahors en 1819. Elle se trouve actuellement au musée de Cahors.
Inscription : M(arco) LVCTER(io) LVCTERII SEN(e)CIANI F(ilio) LEONI OMNIBVS HONORIBVS IN PATRIA FUNCTO SACERD(oti) ARAE AVG(usti) INTER CONFLVENT(es) ARAR(is) ET RHODANI, CIVITAS CAD(urcorum) OB MERIT(a) EIVS PVBL(ice) POSVIT |
Traduction : "A Marcus Lucterius Leo, fils de Lucterius Sénécianus, ayant rempli dans sa patrie toutes les fonctions publiques, prêtre de l'autel d'Auguste au confluent de la Saône et du Rhône, la Cité des Cadurques, à cause de ses mérites, a publiquement mis en place (ce monument)." |
Revers de l’inscription de Mac Lucter par Champollion-Figeac : Elle se compose de quatre vers latins : Conditus hoc tumulo tegitur gregorius exul, Exulis et Petri quem posuere manus ; Qui tamen hispana natus tellure, supremum Complet (sic) Cadurcis morte defenda diem. Elle est surmontée du monogramme du Christ avec l’A et l’? : Deux moineaux, sont placés aux deux côtés de ce signe. |
Traduction : L’exilé Grégoire enseveli ici est protégé par ce tombeau qu’ont placé les mains de Pierre, exilé lui aussi. Bien que né sur le sol d’Espagne, il a accompli son jour suprême par une mort bien triste chez les CadurquesCliquer ici pour modifier. |
Il serait difficille de dire avec certitude quel événement politique ou religieux survenu en Espagne fit exiler à Cahors Grégorius, auquel son compagnon d’infortune Petrus, exil é comme lui, éleva ce monument ; mais les soins donnés à cette sépulture prouvent que Gregorius appartenait à une famille noble considérable (Champollion, p. 114).
La pierre funéraire trouvée à Lyon
En 1953 on a retrouvé en réemploi dans les piles du vieux pont de la Guillotière sur le Rhône à Lyon des pierres portant des inscriptions. Elles ont été étudiées par A. Audin, J. Guey et P. Wuilleumier(32).
Cette pierre devait provenir d'un monument avoisinant le Temple fédéral des Gaules sur la colline de la Croix Rousse. Elle fut déposée au Musée des Théâtres romains de Fourvière.
Les auteurs traduisent l'inscription n°3 (aux pages 338-340) sur une pierre par : (Marco) LVCTERIOS LEON (i) (F)ILIO, CADVRCO, (O)MNIBVS HONORIBV(s) (AP)VD SVOS FVNCT(o) |
Traduction : à Marcus Lucterius Leo, fils de Lucterius Senecianus, Cadurque, ayant rempli chez les siens toutes les fonctions publiques.....Cliquer ici pour modifier. |
Numance et Uxellodunum
Le siège de Numance par les Romains marque la fin de la résistance en Espagne, comme celui d’Uxellodunum. à 80 ans de distance, ces deux sièges ont des traits communs. Le général Scipion Emilien qui venait de détruire Carthage a vaincu Numance. La ville de Numance, située sur une montagne escarpée, n’est pas une place forte imprenable. La garnison est réduite approximativement à 4000 combattants, les forces romaines sont de 60000 hommes (dont 20000 romains et 40000 ibériques). Scipion renonce d’attaquer la place, et c’est par la faim qu’il entend la réduire. La disproportion entre les forces assiégeantes et les forces assiégées est similaire avec Uxellodunum. César refuse à attaquer la place et décide de réduire les Gaulois par la soif. Dans les deux sites, les assiégés sont obligés à se rendre et César coupera les mains aux vaincus. Scipion, lui, à Numance, avait fait couper la main droite à plusieurs centaines de défenseurs. César ne pouvait ignorer ce qui s’était passé à Numance (Polybe l’avait raconté).
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